Le numéro 73 est sorti

Sommaire :
pp.2-3 : L’édito du rédac chef
p.4-5 : Ce sera Kiev 2017
p.5 : Le billet du Président
pp.6-9 : Jamala, celle qu’on n’a pas vu venir
p.10 : Qui sont les fameux Tatars de Crimée ?
p.11 : Bloc-Notes : Analyse, polémiques et incidents
pp.12-19 : Amir redonne le sourire à la France
pp.20-21 : Ils en ont parlé
pp.22-27 : Les Tops et les Flops
pp.28-35 : Eurovision 2016, Retour sur les 42 performances
Image à la une : Jamala, ©Farouk.Vallette

Le Coco hier, aujourd’hui et … demain !

Depuis plus de vingt ans, 1995 pour être exact, Cocoricovision, le Coco pour ses aficionados, est l’unique magazine papier français couvrant l’actualité du Concours Eurovision de la chanson. Né sous l’impulsion de Dominique Dufaut, il a évolué tout au long de ces années. Beaucoup de personnes y ont participé. En 2011, Fabrice Biesbrouck le fait passer sous la forme d’un magazine couleur, et Farouk Vallette en est devenu le rédacteur en chef en septembre 2013. En 2017 il change de format et passe de A5 en A4.
Cocoricovision est au plus près de l’action en étant sur place au cours des quinze jours où le concours Eurovision se prépare. De Rotterdam à Bakou, de Kiev à Stockholm en passant par Düsseldorf, Vienne ou Tel Aviv, Cocoricovision a sillonné l’Europe entière et va continuer à le faire. Il est aussi régulièrement présent lors des sélections nationales et des meetings d’avant ou d’après concours. Il a suivi Destination Eurovision en 2018 et 2019 et couvre Eurovision France, C’est vous qui décidez depuis 2021.
Cocoricovision est avant tout un magazine français et donc il suit avec attention l’aventure du représentant français à l’Eurovision dont il publie chaque année l’interview. Barbara Pravi, Madame Monsieur, Alma, Amir, Lisa Angell, les Twin Twin, Amandine Bourgeois, nous ont ainsi ouvert leur cœur et fait découvrir leur univers.
Enfin Cocoricovision analyse les résultats du concours et suit l’actualité de celles et ceux qui ont participé à l’aventure de l’Eurovision. Car pour beaucoup de ces artistes, l’Eurovision n’est qu’une aventure de quelques semaines au milieu d’une carrière qui peut être très riche et dense.
Aujourd’hui, Cocoricovision publie trois numéros par an. Le premier, peu avant le printemps, est en grande partie consacré au représentant français. Le second, juste avant le concours présente tous les artistes qui participent au grand concours Eurovision du mois de mai. Le troisième sort à la fin de l’été et fait un bilan du concours de l’année.
A l’heure d’internet et des réseaux sociaux, Cocoricovision revendique une ligne éditoriale avec des articles de fond mais aussi un ton qui mêle sérieux, légèreté et humour. Il veut être un objet qu’on découvrira avec intérêt, qu’on conservera précieusement dans sa bibliothèque, et qu’on reliera toujours avec plaisir.
Image à la une : ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 73

Etincelant et magnifique, le concours Eurovision Stockholm 2016 restera sans doute comme l’un des plus beaux jamais diffusé depuis soixante ans. Le show fut impeccable et la production est arrivée à un point de perfection comme jamais. On en est ressorti avec pleins de petites étoiles dans les yeux. Tout était réuni pour qu’il en soit ainsi.
Des performances travaillées avec des artistes ayant à cœur de montrer le meilleur d’eux-mêmes, des interval acts specta- culaires (avec en plus, cerise sur le gâteau, la présence sur la scène du Globe Arena d’une star internationale, Justin Timberlake), un nouveau système d’annonce des votes agrémenté en plus un suspense final à couper le souffle et enfin des présentateurs talentueux qui sans en faire trop ont apporté cet esprit d’auto-dérision typiquement suédois que nous adorons tant et avec qui on a envie de reprendre en cœur « Love love peace peace ».
Oui on se rappellera longtemps de ce concours. D’abord à cause de cette victoire ukrainienne venue de nulle part quand les médias n’avaient d’yeux que pour la performance spectaculaire du Russe Sergey Lazarev ou la voix de cristal de l’Australienne Dami Im. La voix, l’authenticité et la sincérité de Jamala se sont imposées à nous et j’avoue que j’en suis heureux, même si la perspective d’aller à Kiev l’an prochain ne m’enchante pas vraiment.
Ce concours nous a marqué aussi parce que c’est peut-être le début d’une renaissance française. Amir a défendu nos couleurs avec beaucoup de cœur et est allé nous chercher cette sixième place à laquelle on n’osait pas croire tant nous avions été déçus par le passé. Derrière ce beau résultat il y a un chanteur talentueux dont le succès à l’Eurovision en annonce probablement d’autres. En effet son nouveau single est bien parti pour marcher aussi bien que sa chanson de l’Eurovision. Il y a aussi un chef de délégation, Edoardo Grassi, qui s’est beaucoup impliqué, sans discontinuité, tout au long de l’aventure, depuis le choix de la chanson jusqu’à la finale. Présent à tous les niveaux (encadrement, promotion, choix artistiques), il a été, avec sa petite équipe, au taquet pendant quatre mois non-stop.
Ce résultat et l’engouement suscité en France par le concours devraient éveiller les vocations et des artistes ou des maisons de disques vont peut-être regarder l’Eurovision avec un peu plus de bienveillance. On peut espérer de bonnes propositions parmi lesquelles nous choisirons notre futur représentant. Après tout mieux vaut avoir l’embarras du choix que de faire un choix par défaut.
Farouk Vallette
Image à la une : Sergey Lazarev, ©Farouk.Vallette

Le numéro 72 est sorti

Sommaire :
pp.2-3 : L’édito du rédac chef
p.5 : Le billet du Président
p.5 : Previews 2016 : Amir triomphe et l’Autriche coiffe la Russie sur le poteau
pp.6-9 : Répétition générale à « Eurovision in Concert 2016 »
pp.10-11 : La nouvelle stratégie de France 2 pour l’Eurovision
p.12 : L’Eurovision retourne à l’école
p.12 : Jouez avec Benoît Blaszczyk !
pp.13-15 : La playlist video du Coco, Spéciale Eurovision 2016
pp.16-51 : Présentation des 43 candidats au concours Eurovision 2016
Image à la une : Zoë et Amir, ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 72

You-ou-ou-ou-ou… Ça y est ! Au moment où je rédige mon édito, j’ai encore le refrain de la chanson d’Amir dans la tête. Si c’est pareil pour les jurés et des téléspectateurs les 13 et 14 mai prochains, alors ça nous promet une jolie surprise.
Car oui, cette année, les regards des amateurs du concours se tournent vers la France. En effet, la chanson d’Amir semble plaire aux quatre coins du continent Européen. Et ça laisse les Français incrédules. Certes nos compatriotes apprécient la chanson d’Amir. On a d’ailleurs entendu peu de critiques, ce qui est exceptionnel pour un pays où on adore jouer les détracteurs de la chanson qui va nous représenter au concours. Mais, échaudés par les tristes précédents de 2009 et surtout de 2011, où la France devait casser la baraque, nos compatriotes sont devenus prudents et ne veulent pas croire à une possible victoire.
Car la grande favorite de l’édition 2016 c’est la Russie, qui a dégainé l’artillerie lourde avec Serguey Lazarev et un titre très dance et diablement efficace dont le vidéoclip est une véritable tuerie. C’est elle que les bookmakers voient gagner l’Eurovision pour le moment.
Pourtant, si ce titre paraît calibré au millimètre pour le concours, il fleure bon plus les années 2000 que les années 2010. C’est la seule faiblesse de la chanson russe et qui appelle une question : Comment les jurys professionnels, qui ont saqué la chanson italienne en 2015 pour son côté rétro, vont-ils réagir à la prestation russe de 2016 ?
Il y a donc une fenêtre d’ouverture qui appelle une seconde question. Qui derrière la Russie ? Visiblement la France, mais soyons honnêtes une petite dizaine de pays sont au coude à coude et peuvent prétendre au titre d’outsider de Serguey Lazarev. Cet Eurovision 2016 est donc d’une certaine manière plutôt ouvert et les mises en scènes vont être déterminantes pour départager toutes ces nations. C’est si incertain qu’on peut très bien voir débouler pendant les répétitions des concurrents que personne n’aura vu venir. Comme en 2014 où la possible victoire de l’Autriche ou des Pays-Bas n’avait été pressentie qu’à peine quelques jours avant la grande finale.
Mais ne prenons pas la grosse tête. Ce que la France vient avant tout chercher à Stockholm c’est un bon résultat et un Top 10 serait considéré comme une très belle performance. On veut que la prestation française soit remarquée et appréciée. Notre chef de délégation Edoardo Grassi travaille son sujet avec Amir. La stratégie de promotion qui a été menée est intelligente. On note que des médias français semblent se préoccuper du concours plus que les années précédentes et surtout plus tôt. Edoardo et Amir ont aussi fait du lobbying en participant aux meetings qui précèdent le concours (Amsterdam, Tel Aviv, Londres) et qui drainent tous les médias Eurovision du continent. Mais ils en ont aussi profité pour aller vers des médias plus généralistes. Edoardo met ainsi en pratique le programme dont il nous avait parlé dans le Cocoricovision 71. Il reste à travailler la prestation. Pour notre camarade Ethan, Amir devra capter la caméra et regarder le téléspectateur. On nous promet une mise en scène et un visuel exceptionnel. On a donc hâte de le découvrir. Ce qui est certain c’est que les premières répétitions françaises seront examinées avec attention dans le centre de presse.
La fête de cet Eurovision très prometteur est néanmoins gâchée par la disqualification surprise, à quinze jours du début des répétitions, de la Roumanie pour cause d’impayés de la TVR. Si on ne juge pas le fond, la forme nous interpelle car Ovidiu Anton, qui s’est révélé très attachant, ne méritait pas ça. Et puis on n’était pas à un mois près. L’UER qui n’est quand même pas sur la paille semble ne pas avoir beaucoup de respect pour les artistes et elle nous déçoit à nouveau. Mais bon nous sommes habitués.
Nous sommes donc un peu tristes avant de débuter cet Eurovision où la France est plutôt à l’honneur. En effet l’Autriche nous a fait la surprise d’envoyer au concours une chanson chantée intégralement en français. La jolie Zoë nous offre ainsi une charmante petite douceur sucrée et délicieuse, avec un refrain qui reste dans la tête, comme la chanson d’Amir. Il y a aussi un parfum de France parmi les Minus One, où le chanteur est le franco-chypriote François Micheletto, qui a fait forte impression lors de son passage à « The Voice, la plus belle voix » il y a quelques semaines.
France, Autriche et Chypre forment donc notre trio de cœur pour l’Eurovision 2016. On souhaite qu’Amir, Zoë, et les Minus One, ainsi que tous les autres concurrents, vivent une belle aventure. Car venir à l’Eurovision c’est comme entrer dans une grande famille. Une famille un peu agaçante mais très attachante et surtout fidèle dont on raffole au point que parfois on y revient. C’est le cas de six des concurrents de cette année qui ont déjà participé à une précédente édition. Bon concours à tous !
Farouk Vallette
Image à la une : Amir, ©Farouk.Vallette

L’interview d’Amir (France 2016)

Bonjour Amir. Peux-tu nous parler de ton parcours personnel et musical ?

J’ai passé ma petite jeunesse à Paris, à Sarcelles pour être plus précis. A l’âge de huit ans on a déménagé à Tel-Aviv, en Israël, avec ma famille. Mon père a continué, lui, à travailler en France et il faisait des allers-retours pour venir nous voir. Nous vivions à Tel Aviv, mais avec beaucoup de voyages en France pour voir la famille. On entretenait ainsi une forte relation binationale tout au long de ces années.

A l’âge de 22 ans, avant de commencer des études de chirurgie dentaire, je me suis retrouvé avec une petite période assez libre que j’ai décidé d’exploiter pour tenter ma chance dans la musique. C’était une bonne manière de passer le temps et je me suis inscrit au casting de la « Nouvelle star » en Israël. Ça s’est très bien passé, surtout par rapport à mon niveau de l’époque car j’étais amateur. Et de manière assez surprenante je me retrouve en live, avec les derniers candidats au concours, une dizaine de candidats. C’est l’émission la plus regardée et je chante sur scène. Je n’ai pas fait long feu car ils étaient plus doués que moi, et j’étais à peine chanteur. C’était une belle expérience à vivre et surtout ça m’a ouvert l’esprit face à quelque chose que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais imaginé faire dans ma vie. Mais je suis engagé sur des études, je continue mon parcours scolaire et je vais à la fac. J’ai fait six ans d’études, mais au fur et à mesure des années je me sens de plus en plus intéressé par la musique. Je prends des cours de chant, je fais des chansons, je fais des petits concerts, tout en étant étudiant en chirurgie dentaire. Vers la fin de mon parcours scolaire j’annonce à mon entourage que je vais faire une trêve avant d’ouvrir mon cabinet, pour mon âme, pour ma sensation personnelle, pour répondre à mes besoins. J’avais besoin, spirituellement peut-être, de faire de la musique. Et tout le monde l’a accepté.

J’ai donc fait de la musique pendant un an en postant des vidéos par internet, j’écrivais des chansons, je continuais les cours de chant. Et puis je suis contacté pour faire « The Voice » en France. Et on peut dire que ma vie a redémarré à ce moment-là. Parce qu’au départ, bien sûr, je me suis questionné en me disant « Tu as déjà fait une émission, pourquoi en faire une autre ? ». J’ai discuté avec mon entourage qui m’a beaucoup encouragé à le faire, parce que je ne connaissais pas l’impact qu’avait « The Voice » en France. Je connaissais ce qui se passait en Israël et ça n’était pas très positif. Il n’y avait pas beaucoup d’audimat, mais beaucoup de dérision envers les artistes et ça leur faisait terminer leur carrière plutôt que de la démarrer. J’ai écouté mes amis Français et j’ai tenté ma chance.

En effet dans l’émission diffusée le 18 janvier 2014, aux auditions à l’aveugle où tu interprètes « Candle in the wind », les quatre jurés se retournent et tu choisis d’intégrer l’équipe de Jenifer. Pourquoi ?

Parce qu’elle m’a convaincu tout simplement. Je les ai écoutés. Je ne les connaissais pas assez bien pour me faire un avis. Et je n’avais pas prévu à l’avance qui je choisirais, donc j’étais complètement neutre. Une fois que les quatre se retournent, on a vraiment la possibilité de faire son choix. J’ai bien écouté chacun d’entre eux et elle me paraissait la plus déterminée à me vouloir et grâce à elle je suis arrivé en finale.

Comment s’est passée ton aventure sur « The Voice, la plus belle voix » ?

Ça s’est hyper bien passé, car depuis « The Voice » ma vie est une aventure musicale qui ne s’est pas arrêtée. J’ai terminé l’émission en finale, ce qui était merveilleux de voir que le public me soutenait. Une fois le concours terminé, nous avons fait notre tournée dans toute la France, et puis j’étais libre ensuite de décider si je voulais retourner en Israël pour arrêter la musique ou si je voulais continuer l’aventure ici en France. Mais maintenant, il n’y a plus « The Voice » et il faut le faire de nos propres mains. J’ai donc tenté ma chance en espérant que ça fonctionne.

J’ai commencé à parler avec des gens, à faire des rencontres, à rentrer en studio, et les choses se sont bâties peu à peu. Et au bout d’un an, un an et demi même, de travail, on se retrouve avec un projet qui tient la route. Et avec toute l’équipe qui s’est formée autour du projet, toute cette famille, il y a une énorme motivation, une énorme envie d’en faire quelque chose de beau et quelque chose de grand, on s’est senti enfin prêt et fier de cet album qui a été écrit. On est allé voir la maison de disques et depuis les choses se sont enchaînées.

Qui sont les membres de cette équipe ?

C’est difficile à dire parce que je ne sais pas où m’arrêter. Mais l’entourage le plus proche contient mon manager, Arié Sion, qui lui croit en moi depuis l’époque où j’étais étudiant. Il m’a même encouragé à finir mon parcours scolaire avant d’essayer quelque chose dans la musique. C’était lui qui me disais « Tiens, il y a un petit concert ici, va le faire pour prendre un petit peu d’expérience » ou encore « Tiens, je t’ai branché sur un autre plan ». Il croyait en moi, en parallèle de ses autres activités car à l’époque il n’était pas entièrement dédié à la musique. Mais il était là pour moi et il croyait en moi. Après il y a une autre personne, David Boukhobza, mon producteur, qui a rejoint le projet, et qui a investi ce qu’il faut en temps et en argent pour lui faire prendre des formes et du point de vue artistique je citerai aussi Nazim Khaled et Silvio Lisbonne, qui ont été auteurs-compositeurs avec moi sur l’album, sur une grande partie des chansons, qui m’ont aussi présenté beaucoup de gens et qui m’ont permis de comprendre comment les choses fonctionnaient dans ce métier, parce qu’ils sont dedans depuis un moment. Et le travail avec eux est un bonheur. C’est ce que je considère comme la petite famille, après il y a les amis qui ont construit le site, ceux qui s’occupent des réseaux sociaux, ceux qui s’occupent de la coiffure, des costumes, tellement, tellement de choses…

La chanson a été choisie en décembre. Comment est-ce que tu te retrouves à l’Eurovision ? Comment la chanson a-t-elle été choisie ? Comment cela a-t-il été finalisé ?

C’est parti d’un rendez-vous complètement anodin, avec Nazim, et un de ses amis Edoardo Grassi. Edoardo, que l’on me présente sans aucune perspective eurovisionesque quelconque, me dit « Je suis devenu le nouveau chef de la délégation française ». Moi, qui aime beaucoup ce concours, je m’intéresse à son parcours et à ce qu’il envisage de faire cette année. Et il me dit « On cherche encore la chanson ». Moi je lui parle de mon projet et je lui dis « Voilà l’album, les chansons on les a écrites avec Nazim, on est super fier, voilà le titre sensé sortir comme premier single, je te le fais écouter ». Il écoute et c’est là qu’il me dit « Amir, je pense que tu devrais faire l’Eurovision avec cette chanson ». Ma première réaction c’est « Tu vas trop vite ! J’ai mon projet musical, j’ai envie de le faire vivre, j’ai travaillé très dur là-dessus, si maintenant je l’offre pour l’Eurovision, où est-ce que j’existe dans tout ça ? Est-ce que les gens vont comprendre que c’est ma chanson. Et vont-ils comprendre que je ne l’ai pas écrite pour le concours ? ». On se posait donc beaucoup de questions. Malgré tout, ça m’a trotté dans la tête. Et puis il y avait la responsabilité de représenter la France. Qui suis-je ? Pourquoi est-ce que je mériterais de faire ça ? Est-ce que j’en suis capable ? J’ai réfléchi. On en a parlé avec mon entourage professionnel. Et une fois qu’on s’est tous décidé à dire oui, je suis revenu voir Edoardo et je lui ai dit « Faisons-le. Mais, par contre, je ne veux qu’une seule chose, pour moi. C’est que tu permettes à ma chanson de sortir quand elle était prévue de sortir, sans raconter à qui que ce soit que ça sera le titre de l’Eurovision. On la laisse vivre et on voit comment les radios l’accueillent ». J’ai vraiment besoin de ce regard neutre, de cette appréciation du public et du métier. Je veux savoir ce que les gens en pensent. Et les radios l’ont accueilli avec une chaleur énorme, aucun rapport avec l’Eurovision, en le faisant diffuser entre 300 et 500 fois par semaine, dans toutes les radios de France. Il est sorti en janvier. Puis, quand on a compris que ce titre avait de la valeur, ce qui était très important pour nous, pour moi, dans mon cheminement artistique, qu’on était sur la bonne voie, on s’est dit « C’est bon, on peut l’annoncer ». Et une fois que ça a été annoncé, ça n’a fait qu’embellir les choses. C’est aussi beaucoup plus concret. On a un but. On a un objectif. On veut y arriver. Mais au moins, on sait que cette chanson fait partie d’un tout, d’un projet, et d’un album.

Ça n’a pas été trop dur de garder le silence pendant de longues semaines et de ne rien lâcher ?

Oui c’était très difficile. Mon entourage proche n’était pas au courant. Vous imaginez. Quand on a une nouvelle qui peut les rendre aussi fiers, aussi heureux. Donc on la garde à l’intérieur. Et très souvent ils te disent « Ben alors Amir, qu’est-ce qui se passe ? Quelles sont les prochaines étapes ? ». Et tu ne peux rien leur dire. Il y a un truc énorme qui s’annonce, mais c’est un secret et tu dois garder le silence.

Comment as-tu réagi quand Cyril Hanouna a balancé la nouvelle que ce serait toi qui représenterait la France cette année ?

La première réaction c’est une forme de tristesse, parce qu’on a fait tellement d’efforts pour cacher la chose. Moi-même je me rappelle combien je briefais les personnes qu’on avait fait entrer dans la confidence. Je mettais la main sur le cœur en expliquant qu’il y a beaucoup de choses dépendantes de ce secret et qu’on doit essayer de garder un impact important pour le titre. J’avais l’impression que tout le monde jouait le jeu et je ne sais pas du tout comment ça a fuité. Ma première réaction c’était d’être déçu. J’ai mis ensuite peu de temps à me ressaisir et à me dire qu’il n’y a pas de mauvaise publicité. Et que ça crée un buzz qui a été doublé quelques jours plus tard quand l’annonce officielle est arrivée. Tout ce qui arrive est pour la bonne cause et c’est comme ça que je vois la vie depuis toujours. Certes c’est difficile de réaliser que le secret qu’on essayait de garder n’est plus un secret. En même temps je remercie Cyril Hanouna pour l’énorme exposition qu’il m’a donnée dans son programme et j’ai hâte de venir sur place.

Quelle est l’image que tu as de l’Eurovision, et est-ce que tu regardes le programme ?

Bien sûr j’adore l’Eurovision. C’est une émission qu’on regarde beaucoup. J’ai vécu une grande partie de ma vie en Israël et là-bas c’est quand même un phénomène de société. Israël, malgré sa petite taille a réussi à gagner quand même trois fois l’Eurovision. Il y a beaucoup d’affection pour ce programme. Et ayant vécu là-bas, je l’ai ressenti, je l’ai vécu. C’est une manifestation musicale qu’on adore regarder en famille tous les ans, en essayant de parier sur le gagnant, avec les frères et sœurs. Il y a vraiment tout un plaisir autour de ce spectacle. L’an dernier je voulais que la France ou Israël gagne et j’étais à fond, au taquet, pour les deux pays, surtout que mon batteur, de mes concerts, de mon groupe était aussi le batteur de Lisa Angell. Jamais je ne me suis imaginé, et encore moins l’année dernière, que nous serions, moi et ma chanson, un jour sur cette scène. Mais ça arrive et ça ne fait que confirmer qu’il faut croire en ses rêves.

C’est une tempête médiatique sans précédent. Comment t’es-tu préparé ?

Je ne me suis pas préparé. Je laisse les choses venir comme elles viennent. Je suis très bien entouré, très bien encadré. Les choses se font d’une manière ordonnée, structurée. Et Ludovic Hurel de France 2 est là et nous supervise et nous apporte sa gentille présence tout comme Edoardo Grassi bien sûr. Tout est clair. Tout est bien conçu. Il n’y a pas de difficultés. La seule chose est qu’on est plus exposé, mais c’est finalement le souhait de tous les artistes. Surtout quand on parle de musique et de sa chanson. Je ne demande rien de plus.

Souvent, en France, les médias en parlent de façon négative ou moqueuse. Tu t’es préparé à entendre des commentaires pas toujours très sympas.

Oui préparé à entendre et à répondre et à corriger les personnes qui ont une opinion avec laquelle je ne suis pas d’accord.

Quels sont les conseils que ton entourage te donne en ce moment ?

Beaucoup de questions tournent autour de la mise en scène, qui est pour le moment une surprise dont on n’a pas dévoilé les détails. La mise en scène est un facteur très important sur un show comme l’Eurovision et l’objet de toutes les personnes qui m’en parlent, qui me demandent si je vais vraiment mettre le feu et est-ce qu’on prévoit quelque chose qui sera à la hauteur de la chanson pour pouvoir se démarquer des autres pays. Oui, oui et oui. On va essayer en tout cas d’apporter à la France l’honneur qu’elle mérite depuis si longtemps.

Ta famille et tes amis te suivent ?

Bien sûr. Ma mère surtout et j’ai réussi à lui apporter tous les articles qui parlent de moi depuis le jour où j’ai commencé à passer dans les médias. Ça fait deux ans que je n’ai rien manqué et je vais chez le libraire tous les trois jours ! Et puis mes fans sur les réseaux sociaux sont très actifs et me font des captures d’écran dès qu’il y a quelque chose.

Quelle est la question que je ne t’ai pas posée et que tu aurais aimé que je te pose ?

C’est dur parce qu’on m’a posé tout un tas de questions aujourd’hui. Mais tu ne m’as pas demandé quel classement je vise.

Tu te prépares à gagner tout autant qu’à perdre ?

Je me prépare à toutes les éventualités mais en tout cas je ne veux pas avoir le regret d’avoir laissé quelque chose au hasard, de ne pas avoir pris au sérieux un des aspects préparatoires de ce concours. C’est pourquoi mon entourage et nous, nous essayons de veiller à ce que tout soit parfaitement bien géré pour que nous allions là-bas en étant sûrs qu’on a fait le meilleur pour avoir un bon score. Ensuite si la décision est extérieure à nous mais qu’on sait qu’on a fait le maximum possible, je le vivrai bien, même si c’est la dernière place. Ce n’est pas ce que je souhaite, mais même si c’est la dernière place et que nous n’avons pas de reproches à nous faire, ça ira. Et vu comme ça part maintenant, pour le moment nous n’avons pas, je pense, de reproches à nous faire. On fait vraiment le maximum pour que tout se passe bien.

Propos recueillis par Farouk Vallette le 7 mars 2016

Image à la une : Amir et Edoardo Grassi,©Farouk.Vallette

Le numéro 71 est sorti

Sommaire :
pp.2-3 : L’édito du rédac chef
p.5 : Le billet du Président
p.5 : Volcavision, un festival Eurovision au coeur de la France
pp.6-10 : Objectif : Stockholm !
p.11 : « Eurovision : you decide », le choix des Britanniques pour Stockholm
pp.12-16 : Amir, la bonne surprise française de 2016
p.17 : Amir, la bio
pp.18-19 : François Micheletto, un artiste pas vraiment minus
p.19 : Quand Saint-Marin révèle sa chanson … à Paris !
pp.20-23 : Rencontre avec Edoardo Grassi le nouveau chef de la délégation française
pp.24-28 : Concerts à la chaîne : Måns Zelmerlöw, Boggie, Louisa Bailèche, et Harel Skaat à Paris
p.28 : Conchita et Il Volo en concert au printemps
pp.29-33 : La playlist video du Coco
pp.34-35 : Le Top 10 ans
Image à la une : Pochette du single d’Amir « J’ai cherché »

L’édito du Coco 71

« Mais pourquoi donc s’obstine-t-on à participer à l’Eurovision ? Chaque année, c’est le même naufrage ». C’est généralement ce qu’on entend ou qu’on lit dans la plupart des médias quand, au mois de mai, le représentant français rentre au pays avec dans ses bagages, non pas le trophée, tant attendu depuis 1977, mais une des dernière places au concours. C’est aussi une des questions posées par Mathilde Cesbron, qui a décidé de prendre les devants dans un article « Eurovision : pourquoi la France est condamnée à perdre chaque année », paru dans « Le Point » en ce début mars. Cette question c’est l’éternelle question idiote posée par une presse française complètement à côté de la plaque sur le sujet.
Oui il faut participer, d’abord parce que l’Eurovision c’est une fête. La fête de la pop européenne. Un grand show qui a gagné ses lettres de noblesse par le sérieux et la qualité de son organisation. Une émission de télévision qu’on aime regarder en famille ou entre amis et qui a le mérite, une fois par an, de faire découvrir à nos petits esprits obtus et généralement peu attirés par une certaine forme de diversité musicale une petite partie de la variété européenne. Et dans une période morose, alors que chacun a tendance à se replier sur soi, continuer de réunir sur une scène des artistes venant des quatre coins du continent c’est plutôt réjouissant et sympathique.
Pose-t-on la question aux sportifs ? Pourquoi participer à la coupe du monde de foot ou à la ligue des champions, où nous n’avons soulevé le trophée qu’une seule fois ? Pourquoi Rennes ou Toulouse participent-ils à notre ligue 1, qu’ils n’ont jamais remportée, et qui après avoir été dominée par Lyon l’est aujourd’hui par le PSG ? Pourquoi s’obstine-t-on à envoyer des Français à Roland Garros où aucun de nos compatriotes n’a gagné depuis 1983 ? Cet esprit de mauvais perdant est bien loin de celui de Coubertin qui dit que l’important c’est de participer (Pour être exact c’est « L’important dans la vie ce n’est pas le triomphe, mais le combat, l’essentiel ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu »).
Dans toutes les compétitions, il y a des perdants. Mais une fois la défaite consommée, il faut se relever et à nouveau aller de l’avant. D’autant plus que nous sommes privilégiés. En effet, nous faisons partie des cinq pays qualifiés directement pour la finale quand tous les autres doivent passer par une demi-finale. Ainsi la petite Lettonie, absente de la finale de l’Eurovision depuis 2008, ne s’est pas découragée à l’issue du concours 2014, où elle a été une nouvelle fois éliminée en demi-finale. Elle s’est inscrite pour le concours 2015. Sans états d’âmes. Elle a organisé sa sélection nationale, remportée par une certaine Aminata, promise, selon les spécialistes, à une nouvelle élimination prématurée en demi-finale tant sa chanson paraissait au premier abord décalée et peu accessible. Mais ce choix audacieux cumulé avec une prestation époustouflante a porté la jeune chanteuse en finale, et cerise sur le gâteau, à une 6ème place inespérée.
Les Français sont bien souvent de mauvais perdants. Nos échecs successifs sont d’autant moins compréhensibles que nous sommes persuadés de faire la plus belle musique du monde, de celle que le monde entier nous envie, mais qui nous la laisse … On cite jusqu’à plus soif les succès internationaux de Daft Punk et David Guetta. Mais ce sont les seuls. Si on ajoute Edith Piaf, Maurice Chevalier et Jean-Michel Jarre nous avons la quinte des artistes français ayant réussi au-delà de nos frontières. En 80 ans de musique c’est un peu léger, non ? La chanson française s’exporte mal, reconnaissons-le. De temps en temps un tube français, comme « Dernière danse » d’Indila, traverse le continent mais ça reste un épiphénomène. Alors puisque nous ne gagnons pas l’Eurovision, on le dénigre. Le concours serait mauvais, ringard, et dépassé. A la mesquinerie on ajoute donc la mauvaise foi. Comment s’étonner après ça qu’on nous apprécie peu à l’étranger ?
L’Eurovision est une compétition et malheureusement pour nous la plupart des autres concurrents veulent gagner aussi ! Et pour cela ils soignent leur prestation, au millimètre près. Résultat, beaucoup de pays proposent des « whole package » (artiste + chanson + mise en scène + visuel) efficaces et qui se remarquent, car, dans une finale à 27, il est important de sortir du lot pour espérer gagner. Poser notre représentant sur la scène de l’Ericsson Globe et le faire simplement chanter ne sera donc pas suffisant. Il y a tout un travail à faire sur la préparation de sa prestation. Ce que nous avons proposé l’an passé pour Lisa Angell est encourageant. La prestation de Jessy Matador avait aussi impressionné en 2010. Nous en sommes donc parfaitement capables et il faut poursuivre nos efforts en ce sens.
J’oubliais les incessantes allusions aux fameux votes « géopolitiques » et à ces méchants pays qui votent les uns pour les autres et se partagent allègrement les points. On ne peut nier qu’il y ait ce type de votes à l’Eurovision. Mais pourquoi s’en étonner ? Le site « Délits d’opinion » évoque « une forte homogénéité culturelle et historique » parmi les nations qui s’échangent les points. Il y a aussi une dimension communautaire affective qui donne un avantage à des pays aux fortes diasporas, récentes comme la Roumanie, ou plus anciennes comme l’Arménie. Mais ces votes sont insuffisants pour faire un gagnant, car pour gagner il faut marquer partout. L’influence des votes « géopolitiques » se limite donc à la seconde partie du classement pour départager les perdants, et à ce petit jeu, sans une chanson forte, isolés et sans amis, nous avons de grandes chances de nous retrouver dans les dernières places et de voir l’Albanie ou le Belarus être devant nous avec une chanson pire que la nôtre. Mais finalement être 16ème ou 24ème, quand les neuf premiers ont trusté 80% des points comme en 2015, c’est à peu près la même chose. Il ne faut donc pas s’en formaliser.
Reste le coût supposé du concours. Il n’est pas plus élevé qu’un prime time sur France 2. Ne pas participer n’économiserait donc pas un centime à la chaîne. Quant aux esprits chagrins adeptes de programmes soi-disant de qualité et qui se réjouiraient de cette non-participation, qu’ils n’oublient pas qu’à la place ils auraient droit à une séance supplémentaire des « Années Bonheur » de Patrick Sébastien. Je ne parlerai même pas de l’adage qui dit que nous ne voulons pas gagner pour ne pas organiser l’année suivante tant il est extravagant.
Finalement la France peut-elle gagner l’Eurovision ? Oui. Avec une bonne chanson, une mise en scène efficace et accrocheuse, des artistes talentueux, une équipe derrière qui travaille son sujet jusqu’au moindre détail, nous pouvons gagner. Des pays isolés et sans amis comme l’Allemagne et l’Autriche l’ont fait récemment.
Nous avons un nouveau chef de délégation, Edoardo Grassi. Il a travaillé sur le sujet et a proposé un programme à Nathalie André, responsable des divertissements de France 2, qui l’a accepté et lui a demandé de prendre en charge notre délégation. Une nouvelle orientation a semble-t-il été prise. Ainsi, c’est avec une chanson en français et en anglais, « J’ai cherché », tout à fait dans l’air du temps, qu’Amir, jeune artiste talentueux passé par « The Voice », va défendre nos couleurs à Stockholm. Il reste deux mois à l’équipe française pour travailler sa prestation et trouver la grande idée pour qu’elle marque les esprits sur la scène de l’Ericsson Globe le 14 mai prochain, et espérer faire un bon résultat.
Farouk Vallette
Image à la une : Amir, ©Farouk.Vallette

Le numéro 70 est sorti

Sommaire :
p.2 : L’édito du rédac-chef
p.5 : Le billet du Président
pp.6-10 : Måns Zelmerlöw, le nouveau maître de l’Europe
p.11 : Rencontre avec les Pertti Kurikan Nimipäivät
pp.12-13 : La Russie est-elle le diable de l’Eurovision ?
pp.14-20 : Lisa Angell : De l’Espoir à la Déception
p.21 : Merci Fred
pp.22-23 : Ils en ont (beaucoup) parlé …
pp.24-29 : Eurovision 2015 : Les Tops et les Flops
pp.30-39 : Eurovision 2015 : Retour sur les 40 performances
Image à la une : Måns Zelmerlöw, ©Farouk.Vallette