Le Numéro 80 est sorti

2-3. L’édito du rédac chef
4. Le billet du Président
5-8. Entretien avec Steven Clerima, le nouveau chef de délégation
9 SWOT : Où en est la France ?
10-11. Le petit Berberes illustré
12-25. Destination Eurovision 2019 fut éblouissant
36-38 Eurovision Junior, Minsk 2018 : Angélina for ever
39. Les tribulations d’un eurofan à Minsk
40. La Pologne au Top du Junior
40. Netta à Paris !
41-43. « Let me show you Tel Aviv… »

Image à la une : © Farouk Vallette

Destination Eurovision 2019 – Galerie Photos

Toutes les photos sont libres d’utilisation mais n’oubliez pas de citer l’auteur et propriétaire : © Farouk Vallette.

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L’édito du Coco 80

« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre … » disait Charles Aznavour dans « La bohême ». Et bien moi je vais vous parler d’un temps que les moins de vingt-sept ans ne peuvent pas connaître. Un temps où il fallait attendre les derniers votes pour savoir si la France allait remporter (ou pas) le Concours Eurovision, ce qui procurait à nos concitoyens ces intenses émotions que l’on pense aujourd’hui réservées uniquement aux Suédois, aux Ukrainiens ou aux Russes. Ce temps semble révolu.

Le dimanche 25 novembre 2018, dans la Minsk-Arena, le taux d’adrénaline des eurofans français, qui avaient fait le déplacement dans la capitale biélorusse, est monté à son plus haut niveau depuis 1991. Il en fut probablement de même chez les téléspectateurs de France 2 aux quatre coins du pays. La France était en tête de l’Eurovision Junior et on attendait le dernier vote pour savoir combien de points la Pologne allait récolter. Malheureusement, cette dernière en a engrangé suffisamment pour nous passer devant et remporter de douze petits points ce concours. À la légitime déception a succédé malgré tout une grande satisfaction. 2ème à l’Eurovision, même si c’est au Junior, c’est inespéré tant notre pays y a connu de déconvenues depuis vingt-sept ans. Ces émotions resteront un immense et merveilleux souvenir, mais surtout elles ont démontré que la France peut et veut remporter l’Eurovision.

Cette deuxième place n’est pas due au hasard, car « Jamais sans toi » cumule tous les ingrédients qui font un succès à l’Eurovision. Il y a d’abord une bonne chanson, simple mais efficace. Il y a ensuite une (très) jeune chanteuse déjà talentueuse, Angélina, et des danseurs, Albane et Léo, incroyables de professionnalisme. Enfin, à la manœuvre, il y a toute l’équipe qui les a entourés et bien sûr notre nouveau chef de délégation Steven Clerima. Un chef de délégation qui est conscient que pour qu’un projet soit abouti, il faut travailler. Beaucoup travailler. Un mois avant cet Eurovision Junior, lors de la conférence de presse, Angélina avait déclaré qu’elle avait commencé à répéter. Ça m’a surpris. Car voir la France répéter presque un mois avant d’embarquer pour la ville hôte, c’est inédit.

Ce processus de retour de la France à l’Eurovision s’est enclenché sous l’impulsion de Nathalie André lorsqu’en 2015 Edoardo Grassi, qui venait d’être nommé chef de délégation, et Steven Clerima, qui allait prendre en charge la coordination de l’équipe, ont été dépêchés à Sofia pour assister à l’Eurovision Junior. Trois ans plus tard on ne peut que constater que le bilan est excellent. La France s’est réconciliée avec l’Eurovision, les audiences sont bonnes, le public se prend à nouveau de passion pour le Concours et ces trois dernières années nous avons obtenu un classement dans la première moitié du tableau, ce qui est synonyme d’un Eurovision réussi.

Destination Eurovision est un maillon essentiel du dispositif Eurovision de France 2. Pour sa seconde édition la production a proposé un plateau extrêmement relevé, avec en prime des stars. Au moment où les noms des 18 artistes en compétition ont été révélés, il était bien difficile de deviner qui allait remporter le ticket pour représenter la France en mai prochain à Tel Aviv et jusqu’au dernier instant le résultat est resté indécis.

En proposant au public de participer à la sélection du représentant français à l’Eurovision et en pérennisant le programme, France 2 a suscité un regain d’intérêt pour le Concours chez un public qui le regardait de manière distante et avec indifférence : les jeunes. Il suffisait de voir la composition du public sur le plateau de Destination Eurovision et d’observer l’intense activité sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre. Car finalement, en dehors des grandes compé-titions sportives, l’Eurovision est le seul évènement qui engendre autant d’intérêt voire de passion. Quel programme âgé de 63 ans peut en dire autant ?

Ce retour de la France a généré la satisfaction de l’UER. La présence sur place du superviseur exécutif du Concours Eurovision Jon Ola Sand, pour la seconde année consécutive, est bien le signe que l’UER attend que notre pays reprenne toute sa place à l’Eurovision. Car la France n’est pas un pays comme les autres. Elle partage avec le Royaume Uni et peut-être l’Italie une spécificité : l’exigence. On attend beaucoup de notre pays. Trop ? peut-être …

Avec Destination Eurovision, la France est définitivement entrée dans le monde 2.0. L’adhésion du public français à Madame Monsieur en 2018, puis à Bilal Hassani en 2019, deux candidats très impliqués sur les réseaux sociaux, en est la parfaite illustration.

En remportant Destination Eurovision, Bilal Hassani va donc nous représenter à Tel Aviv. Il peut compter sur le soutien du public français et évidemment des eurofans qui viendront en nombre le soutenir à Tel Aviv.

Une étape a été franchie, mais il y en a d’autres. Bilal, son entourage et la Team Eurovision de France 2 doivent tous ensemble travailler dès maintenant pour aborder la quinzaine de Tel Aviv dans les meilleures conditions. Parce que Miki, Mahmood, Michael Rice ou Sergueï Lazarev – pour ne citer que les premiers concurrents du Concours 2019 connus – ne nous feront pas de cadeau. Le parcours du combattant ne fait que commencer !

Image à la une et photo : © Farouk Vallette

Eurovision Song Contest Lisbonne 2018 – Galerie photos

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L’édito du Coco 79

Ce samedi 12 mai 2018 sur les coups de minuit, je me trouve quelque part dans l’enceinte de l’Altice Arena au moment où les présentatrices portugaises Dani-ela Ruah et Catarina Furtado ont entamé l’haletante cérémonie des votes. La première partie est l’annonce du vote des jurys professionnels qui compte pour 50% des points attribués.

Au premier jury, l’Ukraine, mon cœur fait un bond car c’est à une « such amazing song » que sont offerts les premiers douze points : la France. Et, en quelques instants, mon cerveau passe par toutes les émotions. Alors que dans l’après-midi les premiers échos sur les votes des jurys qui avaient eu lieu la veille étaient plutôt sombres quant aux chances de nos représentants, Madame Monsieur, de remporter cet Eurovision, je me suis pris quelques secondes à rêver. Et si cette année était la bonne ?

Ça n’a pas duré longtemps, parce que très vite mon cerveau a retrouvé la raison. Mmmm, c’est un piège, l’UER veut brouiller les pistes. En effet, Jon Ola Sand et ses acolytes choisissent l’ordre de passage des votes des jurys en fonction des résultats et ils ont toujours dit que cet ordre était établi pour ménager le suspense. La suite m’a donné raison, car plus aucun autre jury ne nous donnera douze points. Petit à petit, je vois la France dégringoler et je tente de repérer à l’écran quand des points sont attribués si la France fait partie des heureux élus. Seulement la moitié des jurys nous donnera des points et hormis deux fois dix points venus de Lettonie et Lituanie ainsi qu’un surprenant huit points maltais, le reste est constitué de petits scores. Et je maudis ces jurys de pays proches de nous (géographiquement et cultu-rellement) dont on attendait beaucoup et qui, au final, ne nous ont rien donné (Italie, Suisse, Royaume Uni, Allemagne, Pays-Bas…). Jurys de m…… !

Et puis il y a le haut du classement, là où tous les regards sont concentrés. Quand la plupart des téléspectateurs souhaite simplement connaître le pays qui va gagner, moi je me projette dans l’avenir. En 2019. L’Autriche ? Chouette ! J’ai adoré mon Concours à Vienne. Je signe tout de suite pour y retourner. La Suède ? Pfff… Encore ! Et puis là, après Malmö et Stockholm, c’est Göteborg qui nous pend au nez. C’est où ça Göteborg ? Tiens, l’Allemagne est bien placée. C’est mon chouchou. J’ai pris un risque et parié sur lui quelques heures plus tôt car je pense qu’il peut créer la surprise. Un Concours à Berlin, ça satisferait tout le monde !

C’est la fin des votes des jurys. La France est 8ème. Bon ben espérons que le public a aimé. Je n’y crois pas vraiment en fait. Je sais que c’est déjà plié pour nous. Il nous reste encore un mince espoir de Top 10. Ma chanson coup de cœur, la Bulgarie, n’est pas mieux lotie, 9ème. Pour elle aussi c’est terminé. Reste l’Allemagne qui est 4ème. Et si après les jurys, le petit Allemand (qui est en fait très grand) avait aussi ému les téléspectateurs ?

On démarre la seconde partie et les présentatrices balancent le classement du télévote (qui compte aussi pour 50% des points) du dernier au premier un par un. Mais c’est très rapide. Trop rapide. La Suède est le quatrième pays annoncé. Grand moment ! J’entends les cris de joie du public. Et je rigole doucement. Ah, quelle raclée ! Bye-bye Göteborg ! Puis arrive très vite le nom de la France. Aïe. C’est trop tôt. C’est mal barré pour le Top 10. J’essaye de compter les pays qui vont probablement nous passer devant. À la louche, on va se retrouver 14ème ou 15ème. Quelle déception ! J’espérais vraiment un Top 10.

Les noms des pays continuent à être égrainés. Daniela et Catarina annoncent l’Autriche. Je m’y attendais. Mais j’encaisse le coup. Mince, on ne retourne pas à Vienne.

On a quand même droit à une petite pause quand il en reste dix. Le temps de repérer qui peut l’emporter. L’Allemand est toujours dans la course, avec l’Israélienne et la Chypriote. Et puis tiens, le dernier des jurys, l’Ukraine, n’est toujours pas tombé. Certains votes des jurys sont décidément bien surprenants.

Et ça repart. L’Allemand est rapidement hors-course et il n’en reste bientôt plus que trois à annoncer dont l’Italie que je n’ai pas vu venir. Ermal Meta & Fabrizio Moro vont-ils venger Francesco Gabbani ? Non. L’écart de points avec Chypre et Israël, les autres pays dont on attend aussi le nom, est trop important. 2019 sera donc un Concours au soleil en Méditerranée orientale. C’est bien, mais je suis quand même déçu parce qu’aucun des deux gagnants potentiels ne me plait. Chypre serait un moindre mal. Mais au fait, ils ont une grande salle pour accueillir l’Eurovision là-bas ?

Pas la peine de se poser la question. Ça sera la loose jusqu’au bout. C’est Israël qui gagne. Je fais la gueule. Et celle-ci s’allonge quand Netta nous donne rendez-vous à Jérusalem. Pfff ! Après un Eurovision des emmerdes en 2017 dans un pays en proie à une guerre civile larvée, rebelote pour 2019 ! Nous voici plongés au cœur du très compliqué Proche-Orient.

La conférence de presse de la gagnante a achevé ma soirée. Pas de shooting photo de Netta avec son trophée (elle l’a cassé) et la presse non-israélienne est priée de sortir avant la fin. Ça promet pour Jérusalem.

J’attendais beaucoup de cet Eurovision lisboète. À part les chansons, il m’a déçu. Du point de vue de l’organisation, globalement, ce fut sans doute celui que j’ai le moins aimé et j’avais hâte de rentrer chez moi.

J’ai suivi de loin tout l’été le duel annoncé entre Jérusalem et Tel- Aviv pour la désignation de la ville hôte. Finalement ce sera Tel-Aviv. Bon. C’est quand même plus sympa que Jérusalem.

Au moment où j’achève mon édito, j’ai toujours en travers de la gorge le score de la France. J’aurais tant aimé que Madame Monsieur fasse un bon résultat. Pas seulement parce que leur chanson le méritait. Mais aussi parce que j’ai beaucoup apprécié ces deux artistes attachants et généreux.

Un second Destination Eurovision commence à se préparer pour désigner notre représentant à Tel-Aviv. J’ose un petit conseil aux professionnels qui vont sélectionner les concurrents. Privilégiez les titres qui auront la capacité de séduire l’ensemble des téléspectateurs européens. Car le télévote c’est notre faiblesse. Rappelons que sur les dix dernières années ce n’est pas Amir mais Jessy Matador en 2010 qui a obtenu le meilleur classement français au télévote, 8ème. C’est sur ce point-là que nous devons progresser.

Image à la une : © Farouk Vallette

Le Numéro 78 est sorti

2-3. L’édito du rédac chef
4. Le billet du Président
5. In Memoriam : Lys Assia
6-17. Ils sont tous à bord
18-26. Madame Monsieur, l’interview
27. Les rendez-vous des eurofans
28-35. Paris, Londres, Amsterdam, l’Eurovision 2018 a déjà commencé
36-51. Ils seront 43 à Lisbonne
51 Jeu : J’ai cherché …

 

Image à la une : Showcase de Madame Monsieur à la Tour Eiffel le 17 avril 2018  © Farouk Vallette

L’édito du Coco 78

Quand l’inspiration ne vient pas, c’est toujours compliqué d’aborder son édito. Pour ce numéro 78, il a trainé jusqu’à la veille de l’envoi chez l’imprimeur. C’est probablement parce que le Concours Eurovision 2018 me laisse perplexe.

Les eurofans et les bookmakers, se sont entichés de « Toy », le titre proposé par Israël, une chanson assez plaisante, dansante, avec un gimmick poulailler qui fera encore plus caqueter que d’habitude le petit monde de l’Eurovision. C’est sans doute le bon moment, après deux chansons lentes, de couronner un titre qui bouge un peu. A défaut, l’Australie pourrait faire l’affaire, mais les téléspectateurs européens n’arrivent toujours pas à s’habituer à sa présence au Concours. La Suède pourrait aussi convenir, mais retourner en Suède pour une troisième fois en six ans ne m’enchante pas vraiment.

Mon sentiment est que cette année nous allons vivre un Concours Eurovision très ouvert  et que cette édition 2018 ne compte aucun favori mais un paquet d’outsiders. Et la bonne nouvelle, c’est que parmi ces outsiders on trouve la France, car « Mercy », le titre proposé par Madame Monsieur, plaît. Certes, il ne caracole pas en tête des bookmakers, mais il progresse doucement et se retrouve à une position idéale : aux portes du Top Five, là où se trouvaient Conchita Wurst, Jamala et Salvador Sobral à trois semaines de la finale du Concours.

Avec Madame Monsieur, nous avons un duo qui a la tête sur les épaules et qui sait très bien ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Un groupe curieux et ouvert, qui porte sur le monde un regard bienveillant. Un groupe de son temps, dont l’univers musical navigue entre électro et hip-hop, c’est-à-dire tout ce qui fait la pop actuelle. Mais il y a ajouté une petite touche très française et c’est sans doute ce qui plait à nos voisins européens. La manière dont Émilie et Jean-Karl fonctionnent et qu’ils nous ont expliquée, me parle. J’ai abordé leur univers dans « Tandem » avec curiosité. J’ai maintenant envie de découvrir « Vu d’ici » avec impatience. Ils sont sincères et authentiques. Je pense qu’ils peuvent gagner.

Tout le travail accompli depuis trois ans par France Télévisions et l’ensemble des personnes qui s’investissent dans le projet Eurovision porte doucement ses fruits. La qualité de Destination Eurovision, première sélection française depuis longtemps, a été unanimement saluée. Avec Amir, la France a retrouvé le goût de l’Eurovision. Avec Alma, elle y a maintenu ses positions. Avec Madame Monsieur, elle peut encore progresser.

Mais le chemin qui mène à une éventuelle sixième victoire française est semé d’embûches. Car, comme je l’ai dit, il y a un paquet d’outsiders. À commencer par la Bulgarie, qui est, elle aussi, sur une bonne dynamique depuis trois ans. Les prestations d’avant Concours d’Equinox m’ont convaincu. Mais je pourrais citer également le Tchèque Mikolas Josef, dont l’énergie est un atout, la Belge Senek pour la qualité de sa chanson, ou le Norvégien Alexander Rybak, dont la prestation, comme celle du Suédois Benjamin Ingrosso, me semble aboutie et terriblement efficace. J’ajoute aussi dans ma liste le Néerlandais Waylon, dont la prestation à Amsterdam m’a bluffé, et l’Italie dont la thématique grave de la chanson peut fédérer dans une Europe encore traumatisée par les attentats de Barcelone, Paris ou Manchester.

Je note aussi que la première demi-finale concentre toutes les attentions et que son niveau très relevé laisse augurer de grosses désillusions le 8 mai au soir.

L’eurofan qui sommeille en moi s’est donc pris au jeu des pronostics. Chassez le naturel, il revient au galop. C’est ce qui fait le charme de l’Eurovision. Tous ces moments incertains où l’on se projette et où l’on essaie de prédire comment ça va se passer, sachant que rien ne se déroule jamais comme prévu.

Image à la une : Meeting d’Amsterdam, Eurovision in Concert 2018 © Farouk Vallette