L’édito du Coco 72

You-ou-ou-ou-ou… Ça y est ! Au moment où je rédige mon édito, j’ai encore le refrain de la chanson d’Amir dans la tête. Si c’est pareil pour les jurés et des téléspectateurs les 13 et 14 mai prochains, alors ça nous promet une jolie surprise.
Car oui, cette année, les regards des amateurs du concours se tournent vers la France. En effet, la chanson d’Amir semble plaire aux quatre coins du continent Européen. Et ça laisse les Français incrédules. Certes nos compatriotes apprécient la chanson d’Amir. On a d’ailleurs entendu peu de critiques, ce qui est exceptionnel pour un pays où on adore jouer les détracteurs de la chanson qui va nous représenter au concours. Mais, échaudés par les tristes précédents de 2009 et surtout de 2011, où la France devait casser la baraque, nos compatriotes sont devenus prudents et ne veulent pas croire à une possible victoire.
Car la grande favorite de l’édition 2016 c’est la Russie, qui a dégainé l’artillerie lourde avec Serguey Lazarev et un titre très dance et diablement efficace dont le vidéoclip est une véritable tuerie. C’est elle que les bookmakers voient gagner l’Eurovision pour le moment.
Pourtant, si ce titre paraît calibré au millimètre pour le concours, il fleure bon plus les années 2000 que les années 2010. C’est la seule faiblesse de la chanson russe et qui appelle une question : Comment les jurys professionnels, qui ont saqué la chanson italienne en 2015 pour son côté rétro, vont-ils réagir à la prestation russe de 2016 ?
Il y a donc une fenêtre d’ouverture qui appelle une seconde question. Qui derrière la Russie ? Visiblement la France, mais soyons honnêtes une petite dizaine de pays sont au coude à coude et peuvent prétendre au titre d’outsider de Serguey Lazarev. Cet Eurovision 2016 est donc d’une certaine manière plutôt ouvert et les mises en scènes vont être déterminantes pour départager toutes ces nations. C’est si incertain qu’on peut très bien voir débouler pendant les répétitions des concurrents que personne n’aura vu venir. Comme en 2014 où la possible victoire de l’Autriche ou des Pays-Bas n’avait été pressentie qu’à peine quelques jours avant la grande finale.
Mais ne prenons pas la grosse tête. Ce que la France vient avant tout chercher à Stockholm c’est un bon résultat et un Top 10 serait considéré comme une très belle performance. On veut que la prestation française soit remarquée et appréciée. Notre chef de délégation Edoardo Grassi travaille son sujet avec Amir. La stratégie de promotion qui a été menée est intelligente. On note que des médias français semblent se préoccuper du concours plus que les années précédentes et surtout plus tôt. Edoardo et Amir ont aussi fait du lobbying en participant aux meetings qui précèdent le concours (Amsterdam, Tel Aviv, Londres) et qui drainent tous les médias Eurovision du continent. Mais ils en ont aussi profité pour aller vers des médias plus généralistes. Edoardo met ainsi en pratique le programme dont il nous avait parlé dans le Cocoricovision 71. Il reste à travailler la prestation. Pour notre camarade Ethan, Amir devra capter la caméra et regarder le téléspectateur. On nous promet une mise en scène et un visuel exceptionnel. On a donc hâte de le découvrir. Ce qui est certain c’est que les premières répétitions françaises seront examinées avec attention dans le centre de presse.
La fête de cet Eurovision très prometteur est néanmoins gâchée par la disqualification surprise, à quinze jours du début des répétitions, de la Roumanie pour cause d’impayés de la TVR. Si on ne juge pas le fond, la forme nous interpelle car Ovidiu Anton, qui s’est révélé très attachant, ne méritait pas ça. Et puis on n’était pas à un mois près. L’UER qui n’est quand même pas sur la paille semble ne pas avoir beaucoup de respect pour les artistes et elle nous déçoit à nouveau. Mais bon nous sommes habitués.
Nous sommes donc un peu tristes avant de débuter cet Eurovision où la France est plutôt à l’honneur. En effet l’Autriche nous a fait la surprise d’envoyer au concours une chanson chantée intégralement en français. La jolie Zoë nous offre ainsi une charmante petite douceur sucrée et délicieuse, avec un refrain qui reste dans la tête, comme la chanson d’Amir. Il y a aussi un parfum de France parmi les Minus One, où le chanteur est le franco-chypriote François Micheletto, qui a fait forte impression lors de son passage à « The Voice, la plus belle voix » il y a quelques semaines.
France, Autriche et Chypre forment donc notre trio de cœur pour l’Eurovision 2016. On souhaite qu’Amir, Zoë, et les Minus One, ainsi que tous les autres concurrents, vivent une belle aventure. Car venir à l’Eurovision c’est comme entrer dans une grande famille. Une famille un peu agaçante mais très attachante et surtout fidèle dont on raffole au point que parfois on y revient. C’est le cas de six des concurrents de cette année qui ont déjà participé à une précédente édition. Bon concours à tous !
Farouk Vallette
Image à la une : Amir, ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 71

« Mais pourquoi donc s’obstine-t-on à participer à l’Eurovision ? Chaque année, c’est le même naufrage ». C’est généralement ce qu’on entend ou qu’on lit dans la plupart des médias quand, au mois de mai, le représentant français rentre au pays avec dans ses bagages, non pas le trophée, tant attendu depuis 1977, mais une des dernière places au concours. C’est aussi une des questions posées par Mathilde Cesbron, qui a décidé de prendre les devants dans un article « Eurovision : pourquoi la France est condamnée à perdre chaque année », paru dans « Le Point » en ce début mars. Cette question c’est l’éternelle question idiote posée par une presse française complètement à côté de la plaque sur le sujet.
Oui il faut participer, d’abord parce que l’Eurovision c’est une fête. La fête de la pop européenne. Un grand show qui a gagné ses lettres de noblesse par le sérieux et la qualité de son organisation. Une émission de télévision qu’on aime regarder en famille ou entre amis et qui a le mérite, une fois par an, de faire découvrir à nos petits esprits obtus et généralement peu attirés par une certaine forme de diversité musicale une petite partie de la variété européenne. Et dans une période morose, alors que chacun a tendance à se replier sur soi, continuer de réunir sur une scène des artistes venant des quatre coins du continent c’est plutôt réjouissant et sympathique.
Pose-t-on la question aux sportifs ? Pourquoi participer à la coupe du monde de foot ou à la ligue des champions, où nous n’avons soulevé le trophée qu’une seule fois ? Pourquoi Rennes ou Toulouse participent-ils à notre ligue 1, qu’ils n’ont jamais remportée, et qui après avoir été dominée par Lyon l’est aujourd’hui par le PSG ? Pourquoi s’obstine-t-on à envoyer des Français à Roland Garros où aucun de nos compatriotes n’a gagné depuis 1983 ? Cet esprit de mauvais perdant est bien loin de celui de Coubertin qui dit que l’important c’est de participer (Pour être exact c’est « L’important dans la vie ce n’est pas le triomphe, mais le combat, l’essentiel ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu »).
Dans toutes les compétitions, il y a des perdants. Mais une fois la défaite consommée, il faut se relever et à nouveau aller de l’avant. D’autant plus que nous sommes privilégiés. En effet, nous faisons partie des cinq pays qualifiés directement pour la finale quand tous les autres doivent passer par une demi-finale. Ainsi la petite Lettonie, absente de la finale de l’Eurovision depuis 2008, ne s’est pas découragée à l’issue du concours 2014, où elle a été une nouvelle fois éliminée en demi-finale. Elle s’est inscrite pour le concours 2015. Sans états d’âmes. Elle a organisé sa sélection nationale, remportée par une certaine Aminata, promise, selon les spécialistes, à une nouvelle élimination prématurée en demi-finale tant sa chanson paraissait au premier abord décalée et peu accessible. Mais ce choix audacieux cumulé avec une prestation époustouflante a porté la jeune chanteuse en finale, et cerise sur le gâteau, à une 6ème place inespérée.
Les Français sont bien souvent de mauvais perdants. Nos échecs successifs sont d’autant moins compréhensibles que nous sommes persuadés de faire la plus belle musique du monde, de celle que le monde entier nous envie, mais qui nous la laisse … On cite jusqu’à plus soif les succès internationaux de Daft Punk et David Guetta. Mais ce sont les seuls. Si on ajoute Edith Piaf, Maurice Chevalier et Jean-Michel Jarre nous avons la quinte des artistes français ayant réussi au-delà de nos frontières. En 80 ans de musique c’est un peu léger, non ? La chanson française s’exporte mal, reconnaissons-le. De temps en temps un tube français, comme « Dernière danse » d’Indila, traverse le continent mais ça reste un épiphénomène. Alors puisque nous ne gagnons pas l’Eurovision, on le dénigre. Le concours serait mauvais, ringard, et dépassé. A la mesquinerie on ajoute donc la mauvaise foi. Comment s’étonner après ça qu’on nous apprécie peu à l’étranger ?
L’Eurovision est une compétition et malheureusement pour nous la plupart des autres concurrents veulent gagner aussi ! Et pour cela ils soignent leur prestation, au millimètre près. Résultat, beaucoup de pays proposent des « whole package » (artiste + chanson + mise en scène + visuel) efficaces et qui se remarquent, car, dans une finale à 27, il est important de sortir du lot pour espérer gagner. Poser notre représentant sur la scène de l’Ericsson Globe et le faire simplement chanter ne sera donc pas suffisant. Il y a tout un travail à faire sur la préparation de sa prestation. Ce que nous avons proposé l’an passé pour Lisa Angell est encourageant. La prestation de Jessy Matador avait aussi impressionné en 2010. Nous en sommes donc parfaitement capables et il faut poursuivre nos efforts en ce sens.
J’oubliais les incessantes allusions aux fameux votes « géopolitiques » et à ces méchants pays qui votent les uns pour les autres et se partagent allègrement les points. On ne peut nier qu’il y ait ce type de votes à l’Eurovision. Mais pourquoi s’en étonner ? Le site « Délits d’opinion » évoque « une forte homogénéité culturelle et historique » parmi les nations qui s’échangent les points. Il y a aussi une dimension communautaire affective qui donne un avantage à des pays aux fortes diasporas, récentes comme la Roumanie, ou plus anciennes comme l’Arménie. Mais ces votes sont insuffisants pour faire un gagnant, car pour gagner il faut marquer partout. L’influence des votes « géopolitiques » se limite donc à la seconde partie du classement pour départager les perdants, et à ce petit jeu, sans une chanson forte, isolés et sans amis, nous avons de grandes chances de nous retrouver dans les dernières places et de voir l’Albanie ou le Belarus être devant nous avec une chanson pire que la nôtre. Mais finalement être 16ème ou 24ème, quand les neuf premiers ont trusté 80% des points comme en 2015, c’est à peu près la même chose. Il ne faut donc pas s’en formaliser.
Reste le coût supposé du concours. Il n’est pas plus élevé qu’un prime time sur France 2. Ne pas participer n’économiserait donc pas un centime à la chaîne. Quant aux esprits chagrins adeptes de programmes soi-disant de qualité et qui se réjouiraient de cette non-participation, qu’ils n’oublient pas qu’à la place ils auraient droit à une séance supplémentaire des « Années Bonheur » de Patrick Sébastien. Je ne parlerai même pas de l’adage qui dit que nous ne voulons pas gagner pour ne pas organiser l’année suivante tant il est extravagant.
Finalement la France peut-elle gagner l’Eurovision ? Oui. Avec une bonne chanson, une mise en scène efficace et accrocheuse, des artistes talentueux, une équipe derrière qui travaille son sujet jusqu’au moindre détail, nous pouvons gagner. Des pays isolés et sans amis comme l’Allemagne et l’Autriche l’ont fait récemment.
Nous avons un nouveau chef de délégation, Edoardo Grassi. Il a travaillé sur le sujet et a proposé un programme à Nathalie André, responsable des divertissements de France 2, qui l’a accepté et lui a demandé de prendre en charge notre délégation. Une nouvelle orientation a semble-t-il été prise. Ainsi, c’est avec une chanson en français et en anglais, « J’ai cherché », tout à fait dans l’air du temps, qu’Amir, jeune artiste talentueux passé par « The Voice », va défendre nos couleurs à Stockholm. Il reste deux mois à l’équipe française pour travailler sa prestation et trouver la grande idée pour qu’elle marque les esprits sur la scène de l’Ericsson Globe le 14 mai prochain, et espérer faire un bon résultat.
Farouk Vallette
Image à la une : Amir, ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 70

C’est donc la Suède qui remporte le concours Eurovision 2015. Après la tornade Conchita Wurst qui a porté le concours à un niveau de médiatisation jamais atteint, l’Eurovision revient à ses fondamen- taux, la chanson pop à la sauce scandinave. C’est loin d’être une surprise, tant Måns Zelmerlöw était le favori de cette édition. Et pourtant …
Introduit en 2009, le 50-50 jury-télévote vient de connaître son premier raté. Car si Måns gagne, il le doit aux jurés professionnels qui ont descendu la chanson italienne. « Grande amore » manquait-elle à ce point de qualités pour que ces jurés la positionnent à une 6ème place qui lui ôtait toute chance, en cumulant avec le télévote, de gagner le concours ? Ces fameux jurés professionnels sont-ils si professionnels que ça ? On peut en douter quand on note que les cinq jurés azéris ont tous classé la chanson arménienne dernière et que les cinq jurés arméniens ont fait de même avec la chanson azérie. Ça ne semble pas gêner l’UER, qui a préféré s’en prendre aux jurés du Monténégro et de la Macé- doine. On attendait des jurés professionnels qu’ils remarquent les chansons de qualité susceptibles d’être difficiles et peu accessibles au public, et qu’ils atténuent les votes de voisinage et de diasporas. Ils le font, mais pas suffisamment. Et dans certains pays leurs choix sont très contestables voire douteux.
Reste qu’avec les bons résultats accumulés depuis 2011 (deux fois gagnant, deux fois 3ème, et une fois 14ème), la Suède règne désormais sans partage sur le concours. Comme l’Irlande dans les années 90. Petit à petit, depuis quelques années, la Suède a imposé son style et son format au concours et on peut se demander si l’Eurovision d’aujourd’hui n’est pas, finalement, qu’un Melodifestivalen géant. Est-ce un bien ? Pas sûr. Certes le show est époustouflant, mais en suivant ce modèle suédois, l’Eurovision perd aussi un peu de son intérêt en ne couvrant pas la diversité musicale actuelle du continent européen. Pas de rock, pas de hip-hop, pas de musique électronique entre autres. Il ne reste que le la guimauve, vaguement scandinave, sans saveur, qui a peu de chance de séduire un large public ou même un public jeune. Il y avait cette année beaucoup de chansons qui se ressemblaient. Trop. Il serait bon que le concours revienne à un peu plus de variété dans les styles musicaux qu’il nous propose et qu’il innove. C’est risqué sans doute, mais les exemples de la Belgique et de la Lettonie montrent que ça peut payer.
Nous irons donc à nouveau en Suède, et ce sera Stockholm trois ans après Malmö. Avec six trophées les Suédois talonnent les Irlandais quant au nombre de victoires et à n’en pas douter il y a de bonnes chances qu’au cours des prochaines années ils égalent ce record et même le dépassent. C’est l’ambition avouée de Christer Björkman, leur chef de délégation.
Et la France ? Comme d’habitude, elle ressort en charpies du concours. On peut se demander ce qu’il faut faire pour être bien classé à ce fichu concours. Nous n’avons, à nouveau, pas choisi la chanson qu’il fallait. Pourtant, la France n’a pas démérité et Lisa Angell nous a fait honneur sur la scène du Wiener Stadthalle, avec une mise en scène magnifique, qui a d’ailleurs été saluée par la presse présente sur place. Oui la France a bossé, et ça c’est encourageant.
Pour autant, que signifie cette triste 25ème place ? Pas grand-chose en fait, car la configuration de ce concours 2015 intensifie un phénomène qu’on observe depuis plusieurs années : au-delà du Top 10 le classement n’a plus aucune signification. En effet, cette année, les neuf premiers du classement ont engrangé 80% des points ne laissant aux 18 autres que des miettes. Et à ce petit jeu, sans voisin amical, sans diaspora, nous n’avions aucune chance de figurer honorablement au classement. Certes on peut s’estimer heureux d’avoir glané quatre points quand l’Allemagne et l’Autriche, avec des chansons plus actuelles que la nôtre, n’en n’ont eu aucun. Mais que signifie notre classement comparé à celui de l’Arménie, 16ème, de l’Albanie, 17ème, ou de la Grèce, 19ème, qui ne doivent leurs points qu’à leurs amicaux voisins et/ou leurs diaporas ? Rien. C’est comme ça que ça fonctionne à l’Eurovision. Une dizaine de chansons sortent du lot et globalement occupent le premier tiers du classement. Ensuite des critères, qui n’ont rien d’artistiques, permettent de départager les autres. Bref s’attarder sur ce classement est inutile. La question est de savoir comment enfin accrocher le Top 10, ce que nous n’avons pas fait depuis 2009.
En attendant, Måns Zelmerlöw s’est lancée dans une grande tournée européenne post-Eurovision, ce qui est extrêmement rare pour un lauréat du concours. Certes, à la différence de la plupart de ses prédécesseurs, avec quatre albums, il a de la matière et un répertoire bien fourni. Il n’empêche que cette initiative doit être saluée et on espère que les futurs gagnants suivront cet exemple. Måns a fait un arrêt remarqué à Paris le 3 octobre. Ce fut l’occasion pour un public nombreux, et pas spécialement eurofan, de faire sa connaissance, et pour nous d’avoir la confirmation que Måns Zelmerlöw n’est pas un artiste de toc mais bien une bête de scène.
Farouk Vallette
Image à la une : Il Volo, ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 69

Encore quelques jours et le concours Eurovision 2015 aura livré sa vérité. Conchita Wurst va remettre sa couronne et son sceptre à un nouveau gagnant qui ne devrait pas (sauf énooorme surprise) être Autrichien. Son règne aura sans doute été le plus flamboyant et le plus exceptionnel de toute l’histoire de l’Eurovision et son successeur, quel qu’il soit, aura du mal à prendre sa suite. Déjà les bookmakers s’activent et des noms circulent avec une tendance laissant entendre qu’on a de bonnes chances de retourner nous les geler dans le nord.
La Suède est (encore) le gros favori de ce concours. Notre camarade Ethan ne disait pas autre chose dans le podcast 49 du site Eurovision69.com : « Måns n’avait pas fini de chanter dans sa demi-finale qu’on savait déjà qu’il gagnerait le Melodifestivalen, qu’on savait déjà que la première place du concours lui était quasiment promise. C’est une performance qu’on peut comparer à celle de Rybak, de Loreen ou d’Emmelie de Forest. Evidemment rien n’est jamais joué d’avance. On n’est pas à l’abri d’une prestation azérie magique, elle aussi, mais ça sent quand même très bon pour Stockholm 2016 ».
La dynamique du concours est clairement dans le nord, car, outre la Suède, la Norvège a elle aussi de solides arguments à faire valoir. En effet la ballade de Mørland & Debrah Scarlett est magique et envoutante et surtout terriblement accrocheuse. N’oublions pas les Finlandais de Pertti Kurikan Nimipäivät, qui, du fait de leur handicap, pourraient attirer vers eux un grand nombre de votes de sympathie, même si la chanson, décalée et résolument punk, fait dresser les cheveux sur la tête de tout eurofan normalement constitué. Enfin, même si les Danois ne sont pas favoris pour la victoire, beaucoup pensent que leur chanson pop et joyeuse, très sixties, devrait accrocher le Top 10.
D’autres pays du nord (mais plus à l’est) sont cités. La Russie d’abord, nouvelle valeur sûre de l’Eurovision. Que voulez-vous les russophones sont partout ! Demandez aux Ukrainiens… Et même si elle ne gagne pas, personne n’imagine que la Russie puisse être en dehors du Top 10. La dernière fois que ça s’est produit c’était en 2011 avec une chanson bien moins bonne que celle que nous propose Polina Gagarina cette année. Ensuite, juste à côté de la grande Russie, la petite Estonie a de quoi défendre ses chances. La chanson pop d’Elina Born & Stig Rästa plait beaucoup et elle devrait être haut, très haut et pourquoi pas sur la plus haute marche du podium.
Si vous avez envie de vivre un Eurovision 2016 dans un pays ensoleillé alors il faut mettre vos espoirs dans deux pays du sud, qui sont en plus voisins, l’Italie et la Slovénie. Depuis qu’elle est revenue en 2011, tout le monde rêve de vivre un Eurovision en Italie et avec Il Volo nos voisins transalpins envoient une chanson qui n’est pas ce qu’il y a de plus actuel mais qui est à la fois puissante et mélodieuse, portée par trois garçons qui ont prouvé qu’ils savent chanter en live. Plus modeste, la Slovénie fait plutôt figure d’outsider. Le duo de Maraaya (trio si on rajoute la danseuse qui s’excite sur son violon imaginaire) a des atouts avec une chanson sophistiquée et une voix de blues comme on les aime depuis Adele et Duffy.
N’oublions pas les petits nouveaux, les Australiens, invités surprise de cette édition. Avec un titre pop aux sonorités groove très dansant et surtout très accessible (dans le style de Bruno Mars), Guy Sebastian pourrait créer une sacré surprise et un sacré buzz s’il remportait de concours.
Pour finir je ne peux m’empêcher de parler de la Belgique. Nos voisins d’outre-Quiévrain ont choisi le tout jeune Loïc Notet pour les représenter avec ce qui est sans doute la chanson la plus actuelle de ce concours, puisée dans d’univers de la Britannique Lorde.
Et la France me direz-vous ? Disons qu’après trois gros échecs, notre pays est sans doute un peu groggy. Il est donc en convalescence, comme une bonne partie du Big 5 d’ailleurs. La France vient chercher à Vienne une bonne place, un bon classement qui lui donnerait une nouvelle dynamique. Elle veut convaincre le public européen, qui nous boude, lui donner envie de voter pour nous et parvenir dans un avenir proche à enfin accrocher cette victoire qui nous fuit depuis 1977. Lisa Angell a du talent et une belle voix. Sa ballade est magnifique. Alors pourquoi pas une bonne place ?
Le reste du cru 2015 semble plutôt mou. Jamais on n’a autant chanté de ballades ou de chansons aux rythmes lents. Peu de prise de risque, peu d’originalité aussi. On a un concours lisse et petit à petit le côté enlevé et entraînant de l’Eurovision est en train de s’éteindre. Bref tout est de plus en plus formaté.
Et puis on n’a jamais autant chanté en anglais. Seuls six pays chantent intégralement dans leur langue. Le concours s’uniformise. Au point de devenir le British Song Contest comme dit Marianne James (qui commentera avec Stéphane Bern le concours sur France 2) ? Un peu sans doute. Ça nous manque de ne plus entendre de grec, d’estonien ou de néerlandais (certains me diront que pour le néerlandais je pousse un peu). On ne peut que féliciter les pays qui continuent de chanter dans leur langue.
Alors … Suède ? Norvège ? Estonie ? Italie ? ou encore Australie ? Actuellement ce sont les titres qui sortent du lot. Mais nous ne connaissons pas encore les mises en scène et les cartes risquent d’être complètement rebattues dès les premières répétitions, et peut-être qu’on verra, comme l’an passé, émerger un ou deux titres qui pour le moment sont passés inaperçus. C’est la magie de l’Eurovision.
Farouk Vallette
Image à la une : Edsilia Rombley, Guy Sebastian et Cornald Mass (Eurovision in Concert 2015), ©Farouk.Vallette

L’édito du Coco 68

« Australia, twelve points ». Ces quelques mots, nous avons des chances de les entendre pendant l’interminable cérémonie des votes du concours Eurovision 2015. Car oui, l’Australie va participer à l’Eurovision ! Mais l’Australie n’est pas en Europe… Non. A moins, comme cela avait été fait l’an passé au cours d’une séquence très drôle, de déplacer l’île pour l’amener au voisinage de l’Angleterre.
L’UER a donc surpris tout son monde en annonçant début février que l’Australie serait le 27ème participant de la grande finale de l’Eurovision 2015. Et elle ne déboule pas au concours par l’entrée de service, c’est par la grande porte avec les deux battants ouverts, car en plus elle votera pour les deux demi-finales (ce qui nous permettra d’apprécier le poids des diasporas installées du côté de Sydney). L’Australie est invitée uniquement pour cette édition 2015 et ne devrait pas revenir en 2016. Sauf si elle gagne, ce qui n’est pas impossible, les bookmakers en ayant déjà fait l’une des favorites de cette année avant même que la chanson ne soit connue. L’UER compte développer ainsi un nouveau concept en invitant une nation extra-européenne chaque année. Pourquoi pas ? On peut imaginer que l’Afrique du Sud pourrait suivre, ce qui est plutôt sympathique. Ne versons pas non plus dans l’angélisme. Derrière cette idée géniale il y a sans doute une histoire de gros sous et à n’en pas douter, la chaîne australienne SBS a dû payer très cher son ticket d’entrée.
Si l’arrivée de l’Australie est plutôt intéressante, elle alourdit un peu plus la grande finale, passée en quelques années de 24 ou 25 chansons à 27 et chacun reconnaît que c’est trop. L’UER peut-elle revenir à 25 voire 23 finalistes ? Techniquement ça rendrait la finale un peu plus digeste, mais il faudrait diminuer le nombre de tickets d’entrée accessibles à la grande finale, via les deux demi-finales, et là diplomatiquement ça ferait grincer des dents, surtout quand on essaye de faire revenir d’anciens participants qui ont déserté le concours.
Cette annonce prouve en tout cas que l’UER cherche à faire évoluer le programme et le concept de l’Eurovision. On aurait aimé que ça évolue aussi vers plus de transparence, car cette arrivée impromptue tombe un peu comme un cheveu sur la soupe puisque les autres pays avaient jusqu’à fin octobre, dernier délai, pour finaliser leur inscription alors que l’Australie arrive la bouche en cœur en février.
L’Europe de son côté a les yeux rivés sur les différentes sélections nationales qui se déroulent aux quatre coins du continent. Les formats de ces sélections sont variés. On a d’abord la sélection nationale simple avec un programme unique. Il y a ensuite les sélections à épisodes avec éliminatoires, demi-finales, repêchages et grandes finales. Visiblement cette formule de type Melodifestivalen a fait des émules en Europe avec A Dal (Hongrie), UMK (Finlande) ou encore Supernova (Lettonie). Les chaînes de télé n’étant pas gérées par des philanthropes, on peut supposer que ce type de programme est populaire dans les pays en question. Et puis il y a ceux qui se distinguent en sélectionnant l’artiste et la chanson séparément, ce qui semble une aberration.
Les eurofans sont donc très occupés les week-ends et parfois les choix sont cruels. Le samedi 14 mars ce sera sans doute un crève-coeur de devoir choisir entre la grande finale suédoise du Melodifestivalen, et la sélection norvégienne, le Melodi Grand Prix. L’hiver est cette saison au cours de laquelle l’eurofan n’a plus de vie sociale et vit pratiquement 24 heures sur 24 avec un écouteur connecté à son ordinateur portable pour écouter les dizaines, que dis-je, les centaines de chansons qui encombrent toutes ces sélections nationales. Car avec internet, la plupart de ces titres sont connus avant la diffusion télévisée de la sélection et nos amis eurofans ont donc viré de leur ipod les Pharrell Williams, Rihanna et autres One Direction, pour faire de la place à tous ces chefs-d’œuvre téléchargés sur tout le continent et qu’ils écoutent en boucle dans l’espoir de déceler celui qui va remporter sa sélection nationale et pourquoi pas le concours.
Il n’y a pas de chanson française dans ce paquet de chansons, car France Télévisions a préféré ne pas reconduire la sélection télévisée de l’an passé et faire son choix en interne. C’est donc Lisa Angell, avec une chanson sur les horreurs de la guerre « N’oubliez-pas » qui a été choisie. Cette chanson est aussi une chanson d’espoir, et l’espoir pour les eurofans français c’est de remporter enfin l’Eurovision ou au moins d’y être bien classé. Retrouver les joies du Top 10, savourer l’angoisse d’une cérémonie des votes où la France serait au « coude à coude » pour la victoire avec deux ou trois autres pays sont sans doute les émotions que chacun de nous aimerait vivre le 23 mai prochain. Lisa Angell nous l’a promis, elle donnera tout pour que ça arrive.
Farouk Vallette